La cession de fonds de commerce est une opération complexe qui implique de nombreux acteurs et formalités. Avant de signer l’acte de cession, le vendeur et l’acquéreur doivent procéder à des vérifications précises afin de sécuriser la transaction et d’éviter les litiges.
Ces démarches concernent aussi bien les éléments incorporels (clientèle, droit au bail, nom commercial) que corporels (matériel, agencements), les aspects juridiques, fiscaux, sociaux, et les formalités légales prévues par le code de commerce.
L’objectif est de garantir que l’acte de vente reflète fidèlement la réalité économique et juridique du fonds et que chaque partie respecte ses obligations.
1. Analyse juridique et administrative préalable
La première étape consiste à réaliser un audit juridique complet du fonds de commerce.
Il faut vérifier :
- La propriété du fonds : s’assurer que le cédant est bien le titulaire et qu’aucune clause contractuelle ou conventionnelle n’interdit la vente du fonds.
- L’existence de nantissements : la vérification des nantissements inscrits au registre du commerce est essentielle. Un nantissement permet à un créancier d’avoir une garantie sur le fonds. Si le fonds est nanti, il ne pourra être vendu qu’avec l’accord du créancier ou après mainlevée.
- Les droits attachés au fonds : licences, autorisations, marques, brevets ou contrats en cours. Les fonds de commerces sont composés d’éléments corporels – il s’agit de biens matériels (machines, vitrines etc) et d’éléments incorporels (clientèle, droit au bail etc).
- L’éventuelle préemption de la commune : certaines ventes sont soumises à un droit de préemption (par exemple en périmètre de sauvegarde du commerce ou de l’artisanat de proximité). Une déclaration préalable doit alors être adressée à la mairie par lettre recommandée avec accusé de réception.
2. Vérification du bail commercial et des clauses essentielles
Le bail commercial est souvent un élément clé du fonds.
Avant la cession, il faut examiner :
- La durée restant à courir et les conditions de renouvellement.
- Les éventuelles manquements du vendeur dans l’exécution du bail (changement d’activité non autorisé etc).
- Les clauses limitant la cession du droit au bail : certaines exigent l’agrément du bailleur ou interdisent la cession isolée du bail.
- Le montant du loyer, les charges et taxes récupérables.
- Les travaux éventuellement imposés par le bailleur.
Un bail commercial avec des conditions défavorables peut réduire la valeur à court terme ou la rentabilité future du fonds de commerce.
3. Contrôle des obligations sociales et information des salariés
Lorsqu’une entreprise emploie des salariés, la vente du fonds entraîne automatiquement le transfert des contrats de travail au repreneur selon l’article L.1224-1 du Code du travail.
Le cédant doit respecter l’information des salariés préalablement à la cession, conformément à la loi Hamon, par lettre recommandée ou remise en main propre avec accusé de réception pour permettre aux salariés de faire une offre d’achat.
À vérifier :
- Les contrats de travail et leur conformité.
- Les dettes sociales éventuelles.
- Les litiges prud’homaux en cours.
4. Examen fiscal et comptable du fonds
Une analyse fiscale et comptable permet d’identifier les risques liés à la cession de l’entreprise :
- Contrôler les impôts et taxes dus : TVA, CFE, impôt sur le revenu ou sur les sociétés (attention à la solidarité fiscale).
- Vérifier le dernier exercice comptable, les bilans, comptes de résultat, ainsi que les dettes fiscales et sociales (la valeur d’une entreprise dépend en grande partie de sa rentabilité : chiffre d’affaire, bénéfice, EBE).
- Évaluer la plus-value imposable sur la vente.
- Confirmer l’absence d’opposition des créanciers après formalités au tribunal de commerce.
L’acquéreur doit également s’assurer que les créanciers du vendeur n’exerceront pas de droits d’opposition bloquant le paiement du prix de cession. En pareille hypothèse, il doit s’opposer à la distribution du prix de vente au bénéfice du cédant.
5. État des éléments corporels et incorporels
Le fonds de commerce comprend des éléments corporels (matériel, mobilier, marchandises) et incorporels (clientèle, droit au bail, nom commercial).
Les vérifications à effectuer :
- Inventaire du matériel et des marchandises – vérification de leurs complets paiements et de l’existences de sûretés.
- Validité et transmission des droits incorporels.
- Vérification des contrats commerciaux liés à l’activité (recherche d’accord pour les reprendre au nom du cessionnaire).
- Contrôle de l’état des locaux et de leur conformité aux normes (sécurité, accessibilité).
Les points de contrôle essentiels sont :
Éléments incorporels :
- Le bail a t’il dépassé les 9 années ?
- Y a t’il eu non respects des clauses du bail ?
- Le chiffre d’affaire est il toujours stable ?
Éléments corporels :
- Le matériel est il en bon état ?
- Le matériel est il gagé ?
- Y a t’il des stocks suffisants pour pouvoir faire tourner le commerce dès son achat ?
6. Procédures légales et formelles avant la vente
Le code de commerce impose des formalités précises avant et après la signature de l’acte définitif :
- Rédiger un compromis de vente ou une promesse de vente précisant toutes les conditions.
- Préparer l’acte de cession (pouvant être fait par acte authentique, sous seing privé ou par acte d’avocat).
- Effectuer la déclaration préalable en cas de droit de préemption (la mairie peut parfois faire obstacle à la cession de l’entreprise en préemptant le fonds de commerce).
- Vérifier les autorisations administratives nécessaires à l’exploitation.
7. Publications et enregistrements obligatoires
Après la signature de l’acte de vente :
- Déclaration au service des impôts pour le calcul et le paiement des droits d’enregistrement.
- Publication de la cession dans un support d’annonces légales (Journal d’Annonces Légales – JAL) et au BODACC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales). Cela se fait par le greffier du tribunal affecté au service du registre du commerce pour la publication de la vente .
- Respecter les délais légaux : quinze jours pour certaines formalités, un ou deux mois pour d’autres.
Ces étapes permettent notamment aux créanciers du vendeur de faire opposition dans les 10 jours à compter de la publication et, le cas échéant, de bloquer le séquestre du prix jusqu’à règlement.
La date de publication de l’annonce légale informant les tiers de l’acquisition fait également courir le délai de solidarité fiscale (à défaut de déclaration faite par le cédant). Attention, le délai de solidarité fiscale dure plusieurs mois et non 10 jours comme pour les autres oppositions.
8. Rôle de l’avocat et sécurisation de l’acte de cession
Un avocat spécialisé en droit commercial joue un rôle clé pour :
- Vérifier chaque élément du fonds.
- Sécuriser la procédure et la conformité de l’acte de cession.
- Assurer la bonne exécution des formalités.
- Protéger les intérêts du vendeur comme de l’acquéreur de l’entreprise.
9. FAQ
1. Qu’est-ce qu’un nantissement de fonds de commerce ?
C’est une garantie donnée à un créancier sur un fonds de commerce. Sa présence peut bloquer la vente tant qu’une mainlevée n’a pas été obtenue.
2. Le bail commercial peut-il empêcher la cession du fonds ?
Oui, s’il comporte une clause limitant la cession du droit au bail ou imposant l’accord du bailleur ou s’il s’est réservé la possibilité de faire une offre d’achat de manière prioritaire (clause de préférence)
3. Quels documents fiscaux vérifier avant la cession ?
Bilans comptables, déclarations fiscales, situation vis-à-vis de la TVA et de l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. N’oubliez pas qu’il y a une solidarité fiscale entre le cessionnaire et le cédant. L’acheteur peut avoir à payer le montant des impositions non acquittées par le vendeur. Il faut donc vérifier qu’il n’y ait pas de créance au bénéfice du SIE avant la distribution des sommes.
Il est également important de connaître les chiffres d’affaires réalisés depuis la date de dernière clôture.
4. Qui s’occupe des formalités après la signature ?
Souvent l’avocat ou le notaire, qui gère la publication de la cession, l’enregistrement, et le suivi auprès de l’administration fiscale.
5. Pourquoi publier la vente au BODACC ?
Pour informer les tiers et permettre aux créanciers du vendeur d’exercer leur droit d’opposition (dans le délai de 10 jours à compter de la publicité pour les créanciers autre que le fisc).
6. Faut il vérifier que le fonds que je souhaite acheter appartient bien à la personne qui souhaite me le vendre ?
La question peut paraître particulière mais oui, il faut vérifier ce point car un cessionnaire de bonne foi peut tenter de céder un fonds alors qu’il n’en a pas le droit ou qui ne lui appartient pas.
Cela peut concerner une cession qui n’a pas été parfaitement réalisée précédemment, ou encore une personne qui souhaite vendre son fonds sans savoir qu’il faut l’accord de son époux ou épouse. Il est nécessaire d’obtenir des informations sur le vendeur (société, personne physique, comment se prend la décision de vendre etc).
Seul un expert de la cession de fonds de commerce pourra se faire communiquer le bon document et vous donner une réponse quant à la sécurité juridique de votre achat.
Il s’assurera que la vente se fait dans le respect de la loi et vous garantira une exploitation sereine du fonds.
Dès la promesse, il fera mention de toutes les difficultés à régler avant la cession de l’entreprise.
10. Conclusion
La cession de fonds de commerce ne se résume pas à la signature d’un acte de vente.
Elle suppose une série de vérifications rigoureuses portant sur le bail commercial, les dettes, les obligations fiscales et sociales, la conformité réglementaire et les éléments constitutifs du fonds.
Une cession s’inscrit dans un processus qui dure plusieurs mois.
La nature du fonds cédé a également une importance sur les vérifications et démarches à effectuer.
Par exemple, si vous souhaitez acheter un restaurant vendant de l’alcool, vous devrez suivre une formation dont l’objet est de vous permettre d’obtenir l’autorisation d’exploiter un commerce distribuant des boissons alcoolisées.
Les étapes d’une cession d’un fonds de commerce sont nombreuses tout comme les formalités à accomplir.
Il y a des formalités à accomplir à la suite de la signature de la promesse mais également à la suite de la signature de l’acte de cession (ou acte réitératif).
En respectant scrupuleusement ces étapes et en s’appuyant sur un avocat, le vendeur et l’acquéreur sécurisent leur projet de cession, réduisent les risques de litiges et optimisent la valeur de l’entreprise.