Cession de fonds de commerce et droit de préemption urbain : ce qu’il faut savoir
La vente d’un fonds de commerce est une opération juridique sensible, soumise à des règles précises, notamment en matière d’urbanisme commercial. Parmi elles figure le droit de préemption urbain, un mécanisme souvent méconnu mais aux conséquences juridiques majeures lorsqu’il est mal anticipé. Il peut remettre en cause la vente elle-même.
Dans cet article, nous faisons le point sur les conditions d’application, la procédure de purge, les décisions de la mairie et l’intérêt de se faire accompagner par un avocat en droit commercial.
- Qu’est-ce que le droit de préemption urbain (DPU) ?
- Quel est le périmètre d’application du droit de préemption commercial ?
- Quelles sont les conditions d’application du droit de préemption ?
- Quelle procédure pour purger le droit de préemption ?
- Quelle décision peut prendre la mairie ?
- Que se passe-t-il si la mairie décide de préempter ?
- Quelles sont les conséquences d’une vente sans purge du droit de préemption ?
- Peut-on contester une décision de préemption ?
- Et la rétrocession du fonds préempté ?
- À quel moment faut-il consulter un avocat ?
- En résumé
- Besoin d’un avocat pour la cession ou l’acquisition d’un fonds de commerce ?
Qu’est-ce que le droit de préemption urbain (DPU) ?
Le droit de préemption urbain permet à une collectivité territoriale — généralement une mairie ou une communauté d’agglomération — d’acquérir en priorité un bien mis en vente sur son territoire, afin de réaliser une opération d’intérêt général.
Ce droit s’applique généralement aux terrains et immeubles, mais il existe une forme particulière et méconnue : le droit de préemption commercial, qui concerne les fonds de commerce, fonds artisanaux, ou baux commerciaux situés dans des périmètres de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité.
Quel est le périmètre d’application du droit de préemption commercial ?
Le droit de préemption commercial ne s’applique pas partout. Il est réservé à certains périmètres géographiques délimités par la délibération du conseil municipal d’une commune.
On parle alors de périmètre de sauvegarde ou de zone de préemption. Ces zones sont généralement situées dans des centres-villes, des rues commerçantes ou des quartiers en reconversion.
💡 Pour vérifier si un bien est situé dans un périmètre concerné, il faut interroger le service urbanisme de la mairie et consulter la carte des zones de préemption.
Certaines communes mettent en place un service commerce chargé de ce périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat.
Quelles sont les conditions d’application du droit de préemption ?
Pour que la mairie puisse exercer son droit de préemption, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Le fonds de commerce ou le bail commercial doit être situé dans un périmètre de sauvegarde préalablement voté par le conseil municipal ;
- Il doit s’agir d’une vente à titre onéreux (donation exclue) : on parle ici d’un acte de cession, d’un fonds de commerce, d’un fonds artisanal, ou d’un bail commercial ;
- Le cédant doit notifier la cession préalablement à la signature de l’acte, par une déclaration préalable de cession.
À défaut, la vente peut être frappée de la peine de nullité.
Quelle procédure pour purger le droit de préemption ?
Le vendeur l’avocat ou le notaire (selon les cas) doit déposer une déclaration préalable à la mairie :
- Soit par voie électronique (de plus en plus recommandé)
- Soit par pli recommandé avec demande d’avis de réception
- Soit par dépôt en main propre avec récépissé
Cette déclaration doit être faite à l’aide du formulaire cerfa n°13644*02. Elle doit indiquer précisément :
- L’identité du cédant et de l’acquéreur
- Le prix de vente
- L’adresse du local
- La nature du commerce exploité
- Le chiffre d’affaires
- Le nombre de salariés
- Et surtout : la surface de vente comprise dans la cession
Il faudra en outre joindre à la demande les baux commerciaux.
Cette demande est envoyée par lettre recommandée avec 4 exemplaires du cerfa faisant connaître l’intention d’aliéner le fonds.
🕑 À compter de la réception de la déclaration, la mairie dispose d’un délai de 2 mois pour répondre. Il est néanmoins très fréquent que la commune renonce à préempter avant le délai maximal fixé par la loi.
Quelle décision peut prendre la mairie ?
La mairie peut prendre l’une des décisions suivantes :
1. Décision de ne pas préempter
C’est la décision la plus fréquente. Elle peut être expresse ou tacite (en l’absence de réponse dans le délai de deux mois). La vente peut alors être conclue normalement.
2. Décision de préempter
La décision de préemption doit être motivée et respecter les conditions légales. La collectivité territoriale propose alors d’acheter le fonds aux mêmes conditions que celles acceptées par l’acquéreur initial (c’est l’accord sur le prix). La commune devient alors titulaire du droit et le cédant doit signer avec elle.
3. Demande de précisions
La commune peut interrompre le délai en demandant des informations complémentaires. Le délai de deux mois repart à réception des informations demandées.
Que se passe-t-il si la mairie décide de préempter ?
La décision de préempter oblige le vendeur à signer l’acte de cession avec la mairie, qui se substitue à l’acquéreur initial. Il s’agit d’un véritable exercice du droit de priorité, au service de la sauvegarde du commerce local.
Le paiement du prix est effectué par la mairie, généralement par mandat administratif ou via le compte du notaire.
La mairie peut ensuite :
- Réinstaller un commerçant
- Transformer le local dans le cadre d’un aménagement commercial
- Ou même le rétrocéder à un tiers (avec ou sans appel à projets)
A compter du jour où elle devient propriétaire du fonds, la commune devra régler les loyers le temps qu’elle place une nouvelle personne pour exploiter le fonds.
Quelles sont les conséquences d’une vente sans purge du droit de préemption ?
Une vente conclue sans déclaration préalable de cession ou avant expiration du délai est entachée de nullité.
⚠️ Il s’agit ici d’une nullité absolue pouvant être invoquée par toute partie intéressée (mairie, acheteur évincé, etc.).
De plus, en cas de contentieux, la jurisprudence a confirmé que cette nullité pouvait intervenir même après la signature de l’acte si la procédure n’a pas été respectée (exemple : CE 13 mars 2020).
Peut-on contester une décision de préemption ?
Oui. La décision de préemption peut être attaquée :
- Par le vendeur ou l’acquéreur initial évincé
- Devant le tribunal administratif
- Pour excès de pouvoir, erreur de droit, ou détournement de procédure
Une annulation peut avoir pour effet de réactiver la vente initiale, mais uniquement si le droit de préemption a été exercé irrégulièrement.
Et la rétrocession du fonds préempté ?
La rétrocession est la possibilité pour la mairie de revendre le fonds à un tiers, par exemple un jeune commerçant ou une entreprise locale.
Mais elle n’est possible que si :
- Elle s’inscrit dans l’objet de la délibération initiale
- Elle respecte l’intérêt général
- Et elle est opérée dans un délai raisonnable
Le fonds artisanal ou fonds de commerce ne peut être rétrocédé à des fins lucratives.
Dans l’attente de cette rétrocession, le fonds peu être mis en location gérance.
À quel moment faut-il consulter un avocat ?
➡️ Avant même de signer une promesse de cession, il est recommandé de vérifier si le bien est soumis au droit de préemption.
Un avocat en droit des affaires pourra :
- Identifier si le bien est dans un périmètre de sauvegarde
- Préparer la déclaration préalable à l’attention du maire et du conseil municipal (service urbanisme ou commerce)
- Rédiger une condition suspensive dans la promesse
- Sécuriser la vente contre une nullité de la vente
- Représenter le cédant ou l’acquéreur dans une procédure de rétrocession ou de recours contentieux
En résumé
Si le conseil municipal a délimité un périmètre de protection, il peut préempter le fonds au prix projeté ou engager une procédure si elle souhaite en obtenir un prix inférieur.
Elle peut le mettre en location gérance mais devra le recéder.
Elle a un délai de deux mois au plus pour faire connaître son choix. Son silence vaut renonciation à l’exercice de la préemption.
Besoin d’un avocat pour la cession ou l’acquisition d’un fonds de commerce ?
Que vous soyez commerçant, artisan, bailleur, ou investisseur, la cession d’un fonds de commerce implique des formalités strictes et des risques juridiques importants.
👨⚖️ Maître Jean-Florent Martin, avocat en droit des affaires à Ermont et Pontoise, vous accompagne à toutes les étapes :
- Audit préalable
- Rédaction de la promesse de cession
- Purge du droit de préemption
- Rédaction de l’acte de cession
- Sécurisation du bail commercial
📞 Contactez le cabinet pour un rendez-vous ou une consultation à distance :
01 30 30 23 06 – cabinet@martin.avocat.fr
❓ FAQ – Cession de fonds de commerce et droit de préemption urbain
📌 Qu’est-ce que le droit de préemption commercial ?
Le droit de préemption commercial permet à une commune d’acheter en priorité un fonds de commerce, un fonds artisanal ou un bail commercial situé dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité. Ce mécanisme vise à préserver l’activité économique en centre ville.
📌 Qu’est-ce qu’une déclaration préalable de cession ?
La déclaration préalable de cession est un formulaire obligatoire (cerfa 13644*02) que le vendeur doit adresser à la mairie pour purger le droit de préemption. Elle contient les informations sur le fonds (prix, identité de l’acquéreur, surface, nature du commerce, etc.). En l’absence de cette formalité, la nullité de la vente peut être prononcée.
📌 Dans quel délai la mairie peut-elle exercer son droit de préemption ?
La mairie dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration pour décider si elle souhaite exercer son droit de préemption. En l’absence de réponse, le silence vaut renonciation.
📌 Que se passe-t-il si la mairie décide de préempter ?
En cas de décision de préempter, la commune se substitue à l’acheteur initial et signe l’acte de cession aux conditions indiquées dans la déclaration préalable. Cette opération doit respecter l’intérêt général et faire l’objet d’une rétrocession encadrée si la mairie ne souhaite pas exploiter le commerce directement.
📌 Que risque-t-on en cas de vente sans purge du droit de préemption ?
Une cession de fonds de commerce réalisée sans notification préalable ou avant la fin du délai de 2 mois peut entraîner la nullité de la vente. Cette nullité peut être soulevée par la collectivité territoriale ou l’acquéreur évincé.
L’action doit être exercée devant le tribunal judiciaire dans le délai de prescription qui est de 5 ans à compter de la connaissance des faits.
📌 Comment savoir si un commerce est soumis au droit de préemption ?
Il faut se rapprocher de la mairie ou du service urbanisme pour vérifier si le bien est situé dans un périmètre de sauvegarde institué par délibération du conseil municipal. La plupart des communes disposent d’un plan des zones concernées.
Pour ma part, je fais le choix de systématiquement faire connaître à la commune l’intention d’aliéner le fonds quand bien même je ne suis pas certain qu’un périmètre ait été défini. L’autorité publique me fera savoir, le cas échéant qu’elle ne peut exercer cette option.
📌 Pourquoi consulter un avocat pour une cession de fonds soumise au droit de préemption ?
Un avocat spécialisé en droit commercial sécurise l’opération à toutes les étapes : vérification du périmètre, rédaction de la déclaration préalable, intégration d’une condition suspensive, négociation avec la mairie, gestion des délais. Il est également essentiel en cas de contentieux ou de rétrocession.