Dissimuler une partie du prix d’une cession – que ce soit un fonds de commerce, une clientèle libérale, une patientèle ou un fonds artisanal – est une tentation fréquente. Cédants et acquéreurs peuvent penser qu’il s’agit d’un simple « arrangement entre nous » : éviter une partie des droits d’enregistrement, réduire la plus-value, contourner des obligations fiscales ou éviter que certains tiers découvrent le prix réel de la vente.
En réalité, c’est l’une des pires décisions qu’un vendeur ou un acquéreur puisse prendre.
Sur le papier, cela semble presque anodin : un prix déclaré dans l’acte (par exemple 80 000 €), un prix réellement prévu (par exemple 120 000 €), et la différence versée discrètement en espèces ou en virements non déclarés.
Dans la pratique, les risques sont considérables, le montage est illégal, et il met en péril toute l’opération.
Cet article a pour objectif d’expliquer clairement, sans jargon, pourquoi dissimuler une partie du prix de cession est une très mauvaise idée, et quelles sont les alternatives légales permettant de structurer la transaction sans risquer une catastrophe juridique, fiscale ou pénale.
1. Pourquoi certains envisagent de dissimuler le prix ?
Les motivations sont presque toujours les mêmes :
● Réduire les droits d’enregistrement
Les droits calculés sur les cessions de fonds de commerce représentent un coût non négligeable. Déclarer un prix inférieur peut sembler attractif… mais ce n’est jamais un bon calcul.
● Éviter une plus-value trop importante
Un cédant peut être tenté de réduire sa plus-value imposable en déclarant un prix plus faible.
Mais l’administration fiscale reconstitue très facilement la valeur réelle.
● « Arrangements » entre parties au détriment des créanciers
Dans certaines situations, les parties s’entendent pour indiquer un prix « officiel » tout en prévoyant un paiement parallèle. Le but peut être d’échapper aux intérêts d’un créancier.
● Maintenir la confidentialité
Certains professionnels ne veulent pas que le prix réel apparaisse publiquement, notamment dans les publications légales.
Si l’on comprend les motivations qu’il peut y avoir, il faut garder à l’esprit qu’elles conduisent à une fraude caractérisée.
2. Un acte sous-évalué est un acte faux
Dans une cession, le prix est un élément essentiel.
Si les parties indiquent volontairement un prix qui n’est pas le vrai prix payé, elles créent un acte faux, susceptible d’être :
- annulé par un tribunal,
- considéré comme n’ayant jamais existé,
- contesté par n’importe quel tiers (créancier, bailleur, administration).
Le problème est simple :
👉 un acte de cession n’est valable que si le prix indiqué est réel, sincère et déterminé.
Dissimuler le prix, c’est rendre l’acte juridiquement vulnérable.
Et en cas de conflit entre cédant et acquéreur, c’est catastrophique :
la partie lésée pourra demander la nullité ou la requalification, ce qui met en péril toute l’opération.
3. Les risques fiscaux
● Redressement du cédant
L’administration fiscale peut reconstituer le prix réel (comparaison de marché, éléments comptables, contrôles bancaires, déclarations croisées…).
Elle appliquera alors :
- rappel d’impôts,
- intérêts de retard,
- majorations jusqu’à 80 %.
● Redressement de l’acquéreur
L’acquéreur peut également être redressé pour insuffisance de droits d’enregistrement.
Les pénalités sont élevées et peuvent s’ajouter à une procédure pénale.
● Solidarité fiscale
En matière de cession de fonds, le cédant et l’acquéreur peuvent être solidairement responsables.
L’administration se tourne alors vers celui qui est le plus solvable.
Une sous-évaluation volontaire est presque toujours détectée.
Les conséquences financières dépassent largement le « gain » envisagé.
4. Les risques pénaux
Dissimuler une partie du prix revient à :
- établir un acte inexact,
- transmettre volontairement une fausse information à l’administration,
- frauder l’impôt,
- commettre un faux et usage de faux.
Les sanctions vont de la simple amende à des peines beaucoup plus lourdes :
- jusqu’à 500 000 € d’amende,
- jusqu’à 5 ans d’emprisonnement en cas de fraude subie ou organisée,
- interdictions professionnelles,
- inscription au casier judiciaire.
Pour un acquéreur comme pour un cédant, ces risques sont totalement disproportionnés par rapport aux gains espérés.
5. Les risques civils
C’est l’aspect le plus sous-estimé.
Dans un montage où une partie du prix est dissimulée :
👉 le cédant ne peut pas réclamer le « vrai » prix en justice.
👉 l’acquéreur peut refuser de payer la partie cachée.
Pourquoi ?
Parce que la loi considère que celui qui participe à une fraude ne peut pas invoquer les mécanismes du droit pour en tirer profit (principe « nemo auditur »).
Résultat :
- si l’acquéreur arrête de payer la partie non déclarée,
- si le cédant refuse de restituer une partie du prix,
- si les parties se disputent,
La partie lésée n’a pratiquement aucun recours légal.
Concrètement,
Soit le vendeur demande une avance en espèces, avant la cession et l’acquéreur n’aura pas d’autre choix que d’accepter toutes les conditions imposées par le vendeur (à défaut, il ne signera pas la promesse de vente ni l’acte réitératif).
Soit le vendeur lui demande de payer ce montant après la vente et il n’a aucune certitude d’en recevoir le paiement.
6. Les risques sur le bail commercial
Le bailleur peut :
- contester le prix,
- demander des explications,
- contester la cession en invoquant une fraude,
- bloquer le renouvellement du bail.
- S’il dispose d’un droit de préférence, il risque d’acquérir le fonds de commerce … au prix officiel !
Là encore, la dissimulation expose la cession à l’instabilité.
7. L’impact sur le séquestre
Si un séquestre est prévu, il exige :
- le prix réel,
- la provenance des fonds,
- les justificatifs bancaires,
- l’origine des opérations.
Aucun séquestre professionnel n’acceptera de recevoir un prix dissimulé.
Et si la cession se fait “de la main à la main” sans séquestre, l’acquéreur prend encore plus de risques.
8. Les alternatives légales
Il existe des solutions légales permettant d’adapter le prix sans enfreindre la loi :
● Répartir le prix entre plusieurs éléments
Matériel – stocks – clientèle – droit au bail – licence — etc.
Cette répartition doit être sincère et réaliste.
● Utiliser un complément de prix (earn-out)
Permet d’ajuster le prix selon l’évolution du chiffre d’affaires. Il peut être utile d’insérer une clause de révision du prix.
● Créer un crédit-vendeur
Possibilité d’échelonner le paiement.
● Ajuster le prix sur la base d’une méthode objective
CAF, excédent brut, multiples sectoriels, etc.
● Renégocier certains éléments au lieu de tricher
Ex : garantie d’actif et de passif, période d’accompagnement…
● Recevoir les conseil d’un avocat connaissant les « niches » fiscales
Il existe des cas d’abattement et d’exonérations dont vous pourriez bénéficier !
Toutes ces solutions sont parfaitement légales et sécurisées.
9. Conclusion : une très mauvaise idée… et des alternatives solides
Dissimuler une partie du prix d’une cession est une fausse bonne idée :
- risques fiscaux considérables,
- risques pénaux majeurs,
- nullité de l’acte,
- impossibilité de se défendre en cas de litige,
- pertes financières bien supérieures au gain espéré,
- risque de ne pas pouvoir faire la vente en cas d’usage du droit de préférence par le bailleur ou de préemption par la commune.
Il existe toujours des solutions légales permettant d’ajuster le prix, la fiscalité ou la structuration de l’opération.
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